Les causes du mariage des enfants
Le mariage des enfants est un problème complexe. La pratique trouve son origine dans les inégalités de genre et la croyance selon laquelle les filles et les femmes sont inférieures aux garçons et aux hommes. Elle est aggravée par la pauvreté, le manque d’éducation et l’insécurité, ainsi que les pratiques et les normes sociales néfastes. Ses causes ne sont pas les mêmes dans chaque communauté et la pratique varie d’un endroit à l’autre, que ce soit entre différentes régions du monde ou au sein d’un même pays.
Les inégalités de genre
L’existence d’inégalités de genre signifie que les femmes et les filles sont traitées comme des citoyennes de seconde zone, privées de leurs droits humains et dépréciées sur la base de leur sexe.
Le mariage des enfants est une manifestation des inégalités de genre.
Les systèmes patriarcaux (systèmes contrôlés par les hommes) dans lesquels on apprécie la valeur des filles sur la base de leur virginité, ont pour effet de restreindre les choix sexuels et reproductifs de ces dernières. Cela peut se traduire par le fait de dicter aux filles comment se comporter et s’habiller, où aller, qui fréquenter, qui épouser et à quel moment.
Le patriarcat peut également donner lieu à une criminalisation de la sexualité des filles et leur interdire l’accès à des informations et à des soins en matière de santé sexuelle et reproductive.
Dans de nombreux endroits, les filles qui ont des relations ou tombent enceintes alors qu’elles ne sont pas mariées sont accusées d’avoir déshonoré leur famille[1] et sont parfois même forcées d’abandonner l’école. Dans de telles circonstances, les parents peuvent percevoir le mariage précoce comme un moyen de protéger leurs filles et leur famille. Parfois, les filles sont d’accord et cherchent à acquérir le statut de femme et de mère.
Pour en savoir plus sur les liens entre l’égalité des genres et le mariage des enfants, consultez notre page sur le gendre et notre note d’information sur l’égalité des genres
Normes et pratiques sociales
Les normes sociales correspondent aux règles informelles de conduite au sein d’un groupe. On suit ces règles pour signaler son appartenance au groupe, en raison de pressions sociales ou de la coercition des détenteurs et détentrices du pouvoir, ou parce qu’on a toujours fait ainsi.[2]
Bien souvent, les normes sociales sont genrées et visent à contrôler la sexualité des femmes et des filles et à perpétuer des pratiques de longue date. Le mariage des enfants est l’une de ces pratiques. Dans de nombreux endroits, la pratique existe depuis plusieurs générations et est devenue normale et acceptée.
Dans certains contextes, les filles deviennent des femmes lorsqu’elles commencent à avoir leurs règles. Le mariage peut constituer la prochaine étape vers le statut social de femme et de mère.
Certaines pratiques néfastes peuvent être liées les unes aux autres. Dans certains endroits, le mariage des enfants se produit à la suite des mutilations génitales féminines/excision (MGF/E), considérées comme un rite de passage de l’enfance au statut de femme[3] et comme un moyen de renforcer la nubilité d’une fille. Pour en savoir plus sur les MGF/E, veuillez consulter note page Santé.
La pauvreté
Près de 40 % des filles des pays les plus pauvres du monde se marient pendant l’enfance, un taux deux fois plus élevé que la moyenne mondiale.[4]
Dans les situations de pauvreté extrême, les familles, et parfois les filles elles-mêmes, peuvent percevoir le mariage comme un moyen de réduire les dépenses au sein de la famille et d’accéder à une sécurité financière.
Cette idée est renforcée par les normes patriarcales qui dévalorisent les filles et les assimilent à des marchandises.
Étant donné que les filles ont moins accès à l’éducation et ont un statut social, politique et économique plus faible, elles sont souvent en situation de dépendance économique envers les hommes. Elles peuvent ainsi être amenées à considérer le mariage comme la seule option possible.
Les mariages d’enfants dus à la pauvreté touchent avant tout les filles :
- Elles ont un accès limité à l’éducation et à un système de protection sociale et de sécurité sociale.
- Elles ont moins de temps pour étudier et gagner de l’argent parce qu’elles doivent davantage s’occuper des enfants et des tâches domestiques que les garçons.
- Les familles aux ressources limitées sont plus susceptibles d’investir dans l’éducation de leurs fils.
- Les filles ne peuvent pas faire de commerce, posséder leurs propres actifs ou exercer un emploi parce qu’elles n’ont pas le droit de se déplacer librement.
- Elles n’ont pas accès à des conditions d’emploi équitables en raison du harcèlement au travail et de politiques d’embauche partiales.
- Leur mariage peut servir à rembourser des dettes, à régler des différends ou à former des alliances sociales, économiques et politiques.
- La dot ou le « prix de la fiancée » peut constituer un revenu opportun pour une famille aux prises avec des difficultés économiques.
- Lorsque la famille de la fille doit payer une dot, le montant peut être moins élevé si cette dernière est jeune et sans instruction.
Pour en savoir plus sur la pauvreté et le mariage des enfants, veuillez consulter notre page Justice économique.
L'insécurité
Les 10 États aux taux de prévalence de mariages d’enfants les plus élevés sont des États fragiles ou extrêmement fragiles.[5]
Le taux de prévalence des mariages d’enfants augmente en situation de crise. Au Yémen[6] et au Soudan du Sud[7], on signale une augmentation de 20 % due aux conflits.
Les crises provoquées par les conflits, la violence généralisée, les catastrophes naturelles (dont les changements climatiques et les épidémies), la faim et la pauvreté exacerbent les facteurs à l’origine des mariages d’enfants. En voici les raisons :
- Les familles ont recours au mariage des enfants pour faire face aux difficultés économiques croissantes.
- Les parents croient qu’en mariant leurs filles, celles-ci seront protégées de la violence généralisée, notamment des violences sexuelles.
- En situation de déplacement, les réseaux sociaux et les systèmes de protection sont perturbés, ce qui rend les filles plus vulnérables au mariage.
- Les filles peuvent vouloir se mettre dans une situation d’union informelle avec des hommes plus âgés, ou épouser des hommes plus âgés lorsque ces derniers leur promettent de les réunir avec leurs proches ayant émigré ou ayant été déplacés.
- Le mariage des enfants est utilisé comme arme de guerre et comme couverture pour la traite d’êtres humains et l’exploitation sexuelle.
- L’accès à l’éducation est limité et les combattants armés peuvent cibler les écoles et les enfants ou recruter des enfants. Les filles sont ainsi exposées à des risques accrus d’exploitation et d’abus, notamment l’esclavage et le mariage des enfants.
Pour en savoir plus sur le mariage des enfants et l’insécurité, consultez notre page Humanitaire
Sources de données
- [1] American Jewish World Service (AJWS) and al., Child, Early and Force Marriage and the Control of Sexuality and Reproduction, 2015
- [2] Petit, V. and Zalk, T. N., “Everybody wants to belong: A practical guide to tackling and leveraging social norms in behaviour change programming,” PENN SoNG and UNICEF, 2019.
- [3] Young Lives, Child Marriage and Female Circumcisions (FGM/C): Evidence from Ethiopia, Policy brief 21, July 2014.
- [4] UNICEF, Base de données mondiale sur le mariage des enfants, 2020
- [5] Le Burkina Faso, le Bangladesh, la Guinée, le Mali, le Mozambique, le Niger, la République centrafricaine, la Somalie, le Soudan du Sud et le Tchad figurent sur la liste des États fragiles de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). OCDE, États de fragilité, 2018.
- [6] Marsh, M., and Blake, M., “Where is the Money?” IRC and VOICE, 2019
- [7] Buchanan, E., “Born to be married – Addressing early and forced marriage in Nyal, South Sudan,” Oxfam, 2019