Dans la présente section, nous examinons le rôle que peuvent jouer les lois au sein d’une vaste réponse holistique au mariage des enfants. Vous y trouverez entre autres des informations sur : l’âge minimum de mariage ; l’importance de tenir compte de la dimension de genre dans la législation relative à la protection de l’enfance ; et la nécessité d’intégrer la perspective des jeunes aux lois consacrées à la violence basée sur le genre. On y explore également les complexités liées à la pénalisation du mariage des enfants.
Les fondements des moyens juridiques contre le mariage des enfants
Un « mariage d’enfant » renvoie à un mariage ou à une union non officialisée dont au moins une des parties a moins de 18 ans. On entend par « mariage forcé » tout mariage contracté sans le libre et plein consentement des deux parties[1]. Un mariage d’enfant est considéré comme une forme de mariage forcé si au moins une des deux parties n’a pas pu donner un consentement préalable, libre et éclairé.
La définition la plus courante d’un·e enfant est « tout être humain âgé de moins de dix-huit ans », conformément à la Convention relative aux droits de l’enfant des Nations Unies[2].
Il est important pour tout État d’avoir un âge minimum légal de mariage qui protège juridiquement les enfants contre les mauvais traitements, les sévices, la violence et l’exploitation. Les lois contre le mariage des enfants doivent s’inscrire dans un cadre juridique et politique global qui agit à l’égard des causes profondes du problème, notamment les inégalités de genre. Ce cadre doit traiter de différentes questions, entre autres :
- Le mariage et le divorce (notamment la célébration et l’enregistrement des mariages, la pension alimentaire et la garde des enfants).
- Les pratiques préjudiciables comme la dot, le prix de la fiancée, la polygamie et les mutilations génitales féminines/excision.
- Les droits de propriété et de succession.
- La violence sexuelle et la violence basée sur le genre (y compris le viol conjugal et la détection, dans les écoles et les espaces communautaires, des filles en situation à risque).
- Le travail et la maltraitance des enfants.
- La traite d’enfants (notamment à des fins d’exploitation sexuelle) et le courtage matrimonial international.
- L’accès à une éducation, à des soins de santé et à une sécurité sociale.
- L’enregistrement obligatoire des naissances et des mariages en vue de consigner les unions et de connaître l’âge de mariage. Ceci inclut tous les types de mariages (mariages civils, mariages religieux, unions coutumières, etc.)[3].
Les lois contre le mariage des enfants dans différents pays
Les approches juridiques à l’égard du mariage des enfants diffèrent d’un pays à l’autre. Dans certains États, le mariage des enfants constitue un crime. Dans d’autres, les unions de personnes n’ayant pas atteint l’âge minimum légal de mariage sont interdites ou non valides. Enfin, certains pays se limitent à préconiser un âge minimum légal de mariage sans toutefois explicitement pénaliser ou interdire les mariages d’enfants. Dans de nombreux pays, il n’existe pas de loi unique sur le mariage des enfants. La pratique est plutôt assujettie à différentes législations, par exemple le droit civil, le droit pénal et le droit familial. Différents droits coutumiers et religieux peuvent également s’appliquer. Ces droits s’exercent souvent à un endroit précis au niveau sous-national et peuvent être interprétés de différentes manières par les chefs et les tribunaux communautaires ou traditionnels.
Dans de nombreux pays, il existe des dispositions juridiques qui autorisent certaines dérogations à l’âge minimum de mariage. Ces failles peuvent compromettre l’efficacité des protections juridiques des filles contre le mariage. Par exemple, le mariage des enfants peut être autorisé moyennant le consentement parental ou l’autorisation d’un tribunal, ou l’âge minimum du mariage peut être plus bas dans certaines régions du pays où le droit coutumier ou religieux prime sur la législation nationale.
Pour en savoir plus sur les législations contre le mariage des enfants et connaître l’âge minimum de mariage dans différents pays, consultez le profil du pays souhaité dans notre atlas du mariage des enfants.
Collaborer avec les leaders traditionnels ou religieux dans les communautés peut s’avérer un excellent moyen de veiller à ce que le mariage des enfants soit interdit par le droit coutumier et le droit religieux. Pour en savoir plus sur la collaboration avec les leaders religieux, consulter notre note d’information à ce sujet.
Le mariage des enfants et la pénalisation
À elles seules, les lois ne suffisent pas pour mettre fin au mariage des enfants. Trop souvent, les gouvernements ont recours aux lois en réponse à des enjeux sociaux sans mettre en place les politiques et les programmes nécessaires pour opérer des changements au sein de la société et venir à bout des causes profondes du problème. L’adoption de toute loi à l’égard du mariage des enfants doit se fonder sur une consultation avec les organisations de la société civile (y compris les jeunes et les adolescent·e·s), placer les droits des filles au cœur de la loi et compléter et appuyer les efforts locaux visant à changer les normes sociales et de genre qui sous-tendent le mariage des enfants.
Par « pénalisation », on entend ériger un acte en infraction pénale et y attribuer des sanctions (comme une peine d’emprisonnement ou une amende). Dans de nombreux contextes, la loi est utilisée pour punir plutôt que pour demander justice et réparation. Dans le cas du mariage des enfants, cela peut signifier que les efforts visent surtout à empêcher les mariages plutôt qu’à protéger les filles qui décident de ne pas se marier ou qui ont été mariées. Lorsque l’on plaide en faveur de changements juridiques, il est important de savoir qu’une approche punitive comme la pénalisation du mariage des enfants peut entraîner des conséquences négatives pour les filles, les garçons et leurs familles.
Dans les pays où la pratique constitue un délit, un vaste éventail de personnes pourraient être tenues responsables ou faire l’objet de sanctions pénales en raison d’un mariage d’enfants. Par exemple : les parents ou tuteur·rice·s ayant forcé des filles et des garçons mineurs à se marier ; des adultes ayant reçu une dot pour un mariage d’enfants ; les représentant·e·s de l’État ou les leaders religieux ayant célébré le mariage ; les fonctionnaires ayant enregistré ou authentifié un mariage d’enfants ; les personnes fortunées ayant parrainé des mariages d’enfants (certains leaders financent des mariages de masses pour attirer la faveur du public et certaines des épouses peuvent être des enfants) ; et le personnel médical, les employés du gouvernement et les fonctionnaires ayant participé directement ou indirectement à des mariages d’enfants.
Là où le mariage des enfants est illégal, la gravité de la peine peut dépendre d’un certain nombre de facteurs, comme l’âge de l’enfant ou la question de savoir si le mariage était forcé. Le mariage des enfants pourrait également être considéré comme un crime, un délit mineur ou une infraction, selon la loi en vigueur. La sanction dépendra également du type de délit. Enfin, la sanction n’est pas toujours une peine d’emprisonnement. Elle pourrait être un avertissement, des travaux communautaires ou une amende, entre autres. Le droit pénal établit une distinction entre l’intention et le mobile.
La pénalisation peut avoir un certain nombre de conséquences négatives. Les filles elles-mêmes peuvent être punies pour ne pas avoir signalé les agressions dont elles ont été victimes. Elles peuvent s’exposer à la stigmatisation sociale, à des représailles et à une détresse psychologique lorsque des membres de leur famille se retrouvent en prison. De plus, des familles et des communautés entières peuvent être déstabilisées lorsque toutes les personnes présentes à un mariage sont emprisonnées. La dissolution d’un mariage peut avoir des conséquences sociales négatives sur les familles et les enfants : stigmatisation, ostracisme, etc. La pénalisation du mariage des enfants peut également avoir d’autres effets : difficultés économiques pour les familles ; difficulté d’obtenir le remboursement de la dot et du prix de la fiancée ; séparation des filles et de leurs enfants et problèmes liés à la garde des enfants ; pénalisation des relations sexuelles consensuelles entre adolescent·e·s et fugues amoureuses ; et emprisonnement d’adolescent·e·s consentant·e·s[4].
L’interdiction légale du mariage des enfants peut rendre la pratique clandestine et hors de la portée de la loi. Dans certains pays, la grande importance accordée aux lois contre le mariage des enfants détourne l’attention d’une approche globale et holistique, à savoir la mobilisation des familles et des communautés et l’appui des services de santé, de sexualité, d’éducation et de soutien pour les filles. La résolution sur les mariages d’enfants, précoces et forcées adoptée par le Conseil des droits de l’homme en 2019 préconise une telle approche holistique pour mettre fin au mariage des enfants.
Sources
[1] Définition du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, 2020. Consulté le 18 janvier 2021. https://www.ohchr.org/EN/Issues/Women/WRGS/Pages/ChildMarriage.aspx
[2] Selon la Convention relative aux droits de l’enfant des Nations Unies, « un enfant s’entend de tout être humain âgé de moins de dix-huit ans, sauf si la majorité est atteinte plus tôt en vertu de la législation qui lui est applicable ».
[3] Source : Programme mondial FNUAP-UNICEF visant à accélérer la lutte contre le mariage d’enfants, 2020. Child Marriage and the Law: Technical Note for the Global Programme to End Child Marriage.
[4] Source : Programme mondial FNUAP-UNICEF visant à accélérer la lutte contre le mariage d’enfants, 2020. Child Marriage and the Law: Technical Note for the Global Programme to End Child Marriage.