Jordanie

En Jordanie, 10 % des filles se marient avant l'âge de 18 ans et 1 % avant l'âge de 15 ans.

C'est à Amman que le mariage d'enfants est le plus répandu, avec 3 075 filles et 84 garçons mariés avant l'âge de 18 ans en 2017. Irbid présente les deuxièmes taux les plus élevés avec 2 041 filles et 41 garçons mariés, Zarqa avec 2 197 filles et 53 garçons mariés, et Balqa avec 471 filles et 21 garçons mariés.

Le mariage d'enfants est motivé par l'inégalité entre les sexes et la croyance que les filles sont en quelque sorte inférieures aux garçons.

En Jordanie, le mariage des enfants est également motivé par :

● La pauvreté: Depuis l'apparition de la pandémie de COVID-19, la pauvreté a augmenté de 38 % en Jordanie et de 18 % parmi les réfugiés syriens. Certaines familles, en particulier celles qui ont plusieurs filles, les marient afin de réduire la charge économique qu'elles perçoivent et le nombre de bouches qu'elles doivent nourrir.

● Des pratiques néfastes: Certaines familles marient leurs filles pour leur assurer la sutra, un concept enraciné dans l'islam mais désormais largement accepté parmi les confessions en Jordanie. Sutra signifie une vie sûre, une protection contre les épreuves et la sauvegarde de l'avenir d'une fille.

● Les normes culturelles: Une étude de l'UNICEF de 2014 a révélé qu'un certain nombre de réfugiés jordaniens, ainsi qu'irakiens, syriens et palestiniens, considéraient le mariage d'enfants comme acceptable dans des " circonstances impérieuses ". Il s'agissait notamment de grossesses chez les adolescentes, d'un environnement familial abusif et de la préservation des traditions culturelles. Certains parents jordaniens marient leurs filles parce qu'ils craignent que l'internet ne les expose à des comportements indésirables susceptibles de nuire à leurs futures perspectives de mariage. Le mariage d'enfants est également considéré comme une solution au harcèlement sexuel qui a lieu au sein d'une famille. Les parents pensent que plus leurs filles sont jeunes lorsqu'elles se marient, plus ils les protègent.

● La religion: Certains cheikhs (un chef de communauté, un ancien ou un gouverneur) et juges des tribunaux de la charia ont exprimé leur acceptation du mariage d'enfants, considérant qu'il protège les filles de la misère, des abus sexuels et des crimes d'honneur. En juillet 2020, sur 17 mariages enregistrés selon la charia, 13 étaient des cas de mariage d'enfants(76%).

● La citoyenneté: La plupart des réfugiés dans les camps jordaniens sont d'origine syrienne, irakienne et palestinienne et sont les plus vulnérables au mariage des enfants. Souvent, ces filles réfugiées sont mariées à un Jordanien par les parents dans l'espoir qu'elles pourront s'installer en Jordanie. Les parents peuvent également les marier parce qu'ils veulent les protéger des violences sexuelles, du harcèlement sexuel et de l'insécurité dans les camps de réfugiés.

● COVID-19: La pandémie de COVID-19 a exacerbé la vulnérabilité des enfants et en particulier des adolescentes, ce qui a entraîné une augmentation des mariages d'enfants en Jordanie. Le rapport statistique national de 2020 publié par le département du juge suprême en Jordanie indique une augmentation des mariages d'enfants avec 7 964 cas (près de 12 % des filles mariées avant l'âge de 18 ans) par rapport à 11 % des filles mariées en 2019. 194 garçons ont été mariés avant l'âge de 18 ans en 2020. Depuis la pandémie de COVID-19, on observe également une augmentation des mariages d'enfants au sein des camps de réfugiés jordaniens. En juin 2020, 13 mariages d'enfants ont été enregistrés sur un total de 16 cas de mariage dans les camps. En juillet 2020, ce nombre est passé à 37 cas de mariages d'enfants sur un total de 65 mariages(57 %). Depuis l'apparition de la pandémie de COVID-19 et l'augmentation des mariages d'enfants, la Commission internationale catholique pour les migrations a mené 4 938 évaluations de proximité au sein des ménages réfugiés et jordaniens dans le nord de la Jordanie, dont 2 539 à Irbid. L'objectif de ces évaluations était d'identifier les enfants qui risquaient d'être mariés.

Les crises humanitaires exacerbent la pauvreté, l'insécurité et le manque d'accès à des services tels que l'éducation, autant de facteurs qui favorisent le mariage des enfants. Si l'inégalité entre les sexes est une cause fondamentale du mariage d'enfants dans les contextes stables comme dans les contextes de crise, c'est souvent en temps de crise que les familles voient dans le mariage d'enfants un moyen de faire face à des difficultés économiques accrues et de protéger les filles d'une violence accrue.

Depuis le début de la crise syrienne en 2011, la Jordanie est devenue le troisième pays d'accueil des réfugiés syriens. En mai 2022, environ 1,3 million de Syriens vivaient en Jordanie. L'afflux de réfugiés a exercé une pression considérable sur l'économie et les ressources de la Jordanie, et la plupart des familles syriennes dépendent de l'aide humanitaire.

Parmi la population réfugiée en Jordanie, le mariage des enfants est exacerbé par :

● Les déplacements: Un rapport de 2014 de Save the Children indique que pas moins d'un mariage enregistré sur quatre dans les communautés de réfugiés syriens implique une fille de moins de 18 ans. Si le mariage d'enfants n'est pas rare en Syrie, l'instabilité persistante a fait augmenter les taux de mariage d'enfants, transformant une pratique sociale acceptable en un impératif perçu pour assurer la sécurité des jeunes filles dans les camps de réfugiés, notamment contre les violences sexuelles dans le but de protéger l'honneur de la famille. L'UNICEF rapporte que des "opportunistes" se font passer pour des cheikhs et procèdent à des mariages illicites dans le camp de réfugiés de Za'atari, et que des hommes saoudiens et jordaniens plus âgés se rendent dans le camp pour épouser des filles syriennes âgées d'à peine 13 ans. De même, les mariages d'enfants touchent également les filles palestiniennes et irakiennes réfugiées en Jordanie.

● La relocalisation: Les filles syriennes se marient afin de sortir des camps de réfugiés et de s'installer dans les communautés d'accueil. Parmi les réfugiés palestiniens du camp de Jerash, on considère que le mariage avec un conjoint jordanien apporte plus de droits et d'opportunités.

La Jordanie s'est engagée à mettre fin aux mariages d'enfants, aux mariages précoces et aux mariages forcés d'ici 2030, conformément à la cible 5 .3 des Objectifs de développement durable.

Le gouvernement a présenté un examen national volontaire lors du Forum politique de haut niveau de 2022. Dans cet examen, le gouvernement a indiqué que des efforts étaient déployés pour lutter contre le mariage des enfants grâce à la mise en œuvre du Plan national visant à limiter le mariage des personnes âgées de moins de 18 ans (2018-2022).

La Jordanie a coparrainé les résolutions de l'Assemblée générale des Nations unies de 2014, 2018, 2020 et 2022 sur le mariage des enfants, le mariage précoce et le mariage forcé.

La Jordanie a coparrainé la résolution du Conseil des droits de l'homme de 2013 sur le mariage des enfants, le mariage précoce et le mariage forcé.

La Jordanie a ratifié la Convention relative aux droits de l'enfant en 1991, que le Comité des droits de l'enfant a interprétée de manière à recommander l'établissement d'un âge minimum du mariage de 18 ans, et la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes en 1992, qui oblige les États à garantir le libre et plein consentement au mariage.

En 2023, le Comité des droits de l'enfant des Nations unies s'est dit préoccupé par le fait que les juges peuvent autoriser les mariages de filles et de garçons à partir de l'âge de 16 ans. Le Comité a recommandé au gouvernement d'interdire tous les mariages avant l'âge de 18 ans, sans aucune exception. Le Comité a recommandé au gouvernement de veiller à ce que le plan d'action national sur la prévention du mariage des enfants s'attaque aux causes profondes du mariage des enfants, soit doté de ressources suffisantes et comprenne un plan de mise en œuvre, une formation pertinente pour les professionnels et des campagnes de sensibilisation pour les filles et les garçons.

En 2018, le Comité CEDAW s'est dit préoccupé par l'ampleur de la traite des jeunes réfugiés syriens qui ont été attirés dans la prostitution avec de fausses promesses de mariage et de vie meilleure. Le Comité s'est également inquiété de la vente d'enfants, du mariage d'enfants et de la pratique de la muta'a où une famille reçoit un paiement pour une fille, ce qui permet à son mari de l'abuser sexuellement et de l'exploiter, et où le mariage prend fin à un moment prédéterminé.

En 2017, le Comité CEDAW s'est dit préoccupé par le nombre élevé de filles âgées d'à peine 15 ans qui sont mariées en raison du recours fréquent à des dérogations à l'âge minimum du mariage, et par la prévalence des mariages d'enfants parmi les filles réfugiées, dont un grand nombre dans le cadre de mariages polygames. Le Comité a exhorté la Jordanie à prévenir la pratique des mariages d'enfants et à mener des campagnes de sensibilisation sur les conséquences négatives de ces mariages.

Lors de l'Examen périodique universel de 2024, le gouvernement a déclaré que, bien que l'âge minimum légal du mariage en vertu de l'article 10 de la loi sur le statut personnel n° 15 de 2019 soit de 18 ans, il existe des circonstances exceptionnelles dans lesquelles des jeunes de 16 ans sont autorisés à se marier. Dans ce contexte, l'Institut de la charia a créé des documents de formation spéciaux qui sont disponibles dans tous les tribunaux de la charia, et des cours de formation ont été organisés à l'intention des juges de la charia.

Lors de son examen périodique universel de 2019, la Jordanie a accepté d'examiner les recommandations visant à mettre en œuvre des mesures plus efficaces pour mettre fin aux mariages précoces et forcés, en particulier au sein des communautés de réfugiés.

Lors de l'examen périodique universel de 2013, la Jordanie a soutenu une recommandation visant à éliminer le mariage des enfants et à limiter les circonstances dans lesquelles les personnes de moins de 18 ans peuvent se marier.

En 2019, lors du sommet de Nairobi sur la CIPD25, la Jordanie s'est engagée à réduire les violences sexuelles et sexistes en mettant en œuvre la législation et le plan national visant à réduire les mariages d'enfants.

Lors du London Girl Summit en juillet 2014, le gouvernement a signé une charte dans laquelle il s'engage à mettre fin au mariage des enfants d'ici 2020.

Le gouvernement jordanien est en train d'établir une base factuelle pour limiter les mariages avant l'âge de 18 ans. La Jordanie a entrepris et publié une étude nationale à méthodes mixtes sur les facteurs du mariage des enfants. Sept gouvernorats font l'objet de cette recherche : Mafraq, Zarqa, Irbid, Amman, Karak, Ma'an et Jerash. Les conclusions de ce rapport seront harmonisées avec le plan d'action national pour la mise en œuvre des recommandations de l'étude "Le mariage des enfants en Jordanie" visant à limiter le mariage des personnes âgées de moins de 18 ans en Jordanie 2018 - 2022.

Dans le cadre de la réponse humanitaire à la crise des réfugiés syriens, le mariage des enfants a été identifié comme une question prioritaire par le sous-groupe de travail sur les violences sexuelles et sexistes de Jordanie. Le Plan de réponse de la Jordanie à la crise des réfugiés syriens (2017-2019) souligne également que le mariage précoce peut être un mécanisme d'adaptation négatif pour ceux qui vivent dans les camps, et qu'il est nécessaire d'examiner comment les demandes de mariage précoce sont évaluées et de renforcer les systèmes de protection sensibles au genre et adaptés aux enfants qui s'attaquent aux mariages précoces.

En décembre 2018, la Chambre des représentants jordanienne a accepté une modification mineure du libellé de la loi sur le statut personnel, qui n'autorise plus d'exceptions pour les filles ayant "achevé 15 ans", mais pour celles "qui ont atteint 16 ans." Selon la société civile, cette modification mineure de la formulation indique un manque de volonté politique pour lutter contre le mariage des enfants en Jordanie.

Depuis 2018, le Conseil supérieur de l'enfance du ministère des affaires sociales serait en train d'élaborer une stratégie nationale sur le mariage des enfants, suite à l'achèvement d'une étude réalisée en 2017 sur les facteurs économiques et sociaux du mariage des enfants.

En 2016, le Comité national sur le mariage des enfants a été créé par le département de la protection de la famille. L'objectif principal de ce comité était d'assurer une réponse intersectorielle au mariage d'enfants, en particulier au niveau politique.

En novembre 2013, un groupe de travail sur le mariage précoce a été créé afin de réduire et d'atténuer les conséquences du mariage d'enfants et d'établir des voies d'orientation pour les filles syriennes et jordaniennes afin qu'elles bénéficient d'un soutien médical, juridique et psychosocial.

Le Conseil supérieur de la population, la Commission nationale jordanienne pour les femmes, ONU Femmes, l'UNICEF, le HCR et le FNUAP mettent en œuvre un projet commun visant à mettre fin au mariage des enfants en Jordanie.

En vertu de la loi jordanienne sur le statut personnel, l'âge minimum légal pour se marier est de 18 ans. Toutefois, les enfants de moins de 16 ans peuvent obtenir un consentement judiciaire pour se marier avant l'âge de 16 ans.

En 2017, une nouvelle réglementation a été introduite, prévoyant une exception à l'âge minimum légal du mariage. Les mariages sont désormais autorisés s'il n'y a pas plus de 15 ans de différence d'âge entre la mariée et le marié. Cette exception ne s'applique que si le marié n'a pas d'autre femme et que la mariée peut poursuivre ses études.

Avant que les mariages ne soient approuvés, les juges doivent déclarer s'ils sont convaincus que le marié est religieusement et financièrement prêt à se marier.

En 2017, le gouvernement jordanien a modifié l'article 308 du code pénal en vertu de la loi n° 27 de 2017. Avant cet amendement, un violeur était autorisé à épouser sa victime car cela était considéré comme étant dans son intérêt. Cet amendement souligne que tous les mariages sont interdits sans un consentement libre et entier et que le tribunal doit confirmer le consentement et l'âge légal du mariage à 18 ans. Depuis cette modification législative, les juges de la charia ont été formés à soutenir que tous les mariages sont fondés sur le consentement, le choix et la liberté.