Changer les normes sociales concernant le mariage des enfants : des militants échangent sur ce qu’ils ont appris grâce à Tostan
Photo: Kaela McConnon
En avril dernier, Filles, Pas Epouses a parrainé six membres d’Afrique subsaharienne et d’Asie du Sud pour leur permettre d’apprendre du Programme de Renforcement des Capacités Communautaires de Tostan. Les participants ont notamment étudié comment Tostan a reproduit son programme avec succès en Afrique de l’Ouest, abordant des sujets tels que le mariage des enfants et l’excision et promouvant le développement mené par les communautés. L’approche de Tostan, basée sur les droits humains, met l’accent sur une collaboration avec chaque communauté dans son ensemble et place les réseaux sociaux au centre du changement des normes sociales.
Nous avons parlé à trois membres de Filles, Pas Epouses à propos de leur expérience, de ce qu’ils avaient appris, et des conseils qu’ils aimeraient donner aux organisations qui travaillent avec des communautés pour mettre fin au mariage des enfants.
Debbie Kangombe (coordonnatrice de projets, Young Women’s Christian Association of Zambia, Zambie)
Pourquoi ai-je voulu participer à la formation de Tostan ? Lorsque l’on m’a présenté l’approche de Tostan et que j’ai vu ses résultats probants, je me suis demandée : en quoi est-elle différente ? A YWCA Zambie, nous travaillons au sein même des communautés auprès des filles déjà mariées et de leurs maris, des chefs et des dirigeants traditionnels, ce qui n’est pas facile. Je voulais comprendre comment Tostan a surmonté cette résistance des communautés et comment amener celles-ci à adopter et à s’approprier les programmes visant à mettre fin au mariage des enfants.
Ce que j’ai appris : La formation m’a appris beaucoup de choses, notamment l’importance d’aider les communautés à définir leur propre bien-être. Que veulent-elles accomplir ? Quels sont leurs rêves ? Les communautés sont capables de définir leur propre vision, de déterminer ce qui importe le plus à leurs yeux et d’être les leviers du changement. Cette démarche est essentielle au changement des normes sociales.
J’ai aussi aimé le concept de diffusion organisée (remarque : il s’agit d’un processus de mobilisation sociale qui permet de communiquer des informations et de nouvelles idées de manière organique, c’est-à-dire de personne à personne et de communauté à communauté). Nous ne pouvons pas tout faire par nous-mêmes. Pour mettre fin au mariage des enfants, nous devons utiliser la force de nos réseaux.
Mon conseil aux membres de Filles, Pas Epouses : Si votre travail concerne le mariage des enfants, vous devez comprendre le contexte dans lequel vous œuvrez. Les communautés sont dynamiques : elles respectent diverses valeurs qui diffèrent d’une communauté à l’autre. Une fois que l’on a bien compris les valeurs et les normes sociales d’une communauté donnée, on peut travailler efficacement avec celle-ci.
Racheal Okuja (coordonnatrice de programmes, Girl Child Network, Ouganda)
Pourquoi ai-je voulu participer à la formation de Tostan ? Je voulais rencontrer des militants d’autres pays préoccupés par le mariage des enfants qui font face à des problèmes semblables aux nôtres et découvrir comment ils collaborent avec les communautés pour résoudre ces problèmes. Que font-ils que nous pourrions faire ? En particulier, comment pourrions-nous mieux soutenir les filles pour ne pas qu’elles se marient enfants ?
Ce que j’ai appris : L’approche basée sur les droits humains de Tostan m’a beaucoup appris, notamment sur la façon dont elle peut orienter nos programmes d’autonomisation des filles. Il est essentiel de sensibiliser les filles aux droits humains pour qu’elles prennent conscience de leurs droits et qu’elles demandent à être traitées équitablement. Nous devons aussi nous assurer que les filles comprennent dès le début pourquoi nous travaillons avec elles.
Mon conseil aux membres de Filles, Pas Epouses : Dans chaque communauté, il y a des intermédiaires obligés et des personnes influentes. Voici mon conseil aux autres membres de Filles, Pas Epouses : sachez reconnaître l’importance de ces personnes. Écoutez ce qu’elles ont à dire, leurs aspirations. Comprenez leur vision d’avenir pour la communauté et découvrez comment l’abandon du mariage des enfants peut soutenir cette vision.
Pourquoi ai-je voulu participer à la formation de Tostan ? J’avais déjà lu However Long the Night (remarque : livre de Molly Melching, fondatrice et directrice exécutive de Tostan) sur Tostan et son approche en matière de développement des communautés basée sur les droits humains. Je voulais apprendre comment appliquer cette méthode pour changer les attitudes et les actions des membres de communautés et gérer le changement au sein de communautés. Je voulais aussi découvrir comment Tostan a mobilisé et mis à contribution tout un réseau de communautés en Afrique de l’Ouest.
Ce que j’ai appris : J’ai découvert le pouvoir que pouvait avoir une personne, le pouvoir du leadership. Lorsque l’on travaille avec des communautés, il importe notamment de reconnaître les personnes éminentes et influentes capables de changer les esprits et les attitudes à plus grande échelle.
Mon conseil aux membres de Filles, Pas Epouses : L’abandon du mariage des enfants est dans l’intérêt de plusieurs membres de la communauté, notamment les autorités locales et les représentants du gouvernement. Nous devons unir nos forces. La collaboration doit faire partie intégrante de nos efforts visant à mettre fin au mariage des enfants.
Travaillez-vous avec des communautés en vue de mettre fin au mariage des enfants ? Partagez votre expérience dans la section des commentaires ci-dessous.
Cet article s’inspire d’une plus longue interview téléphonique avec Debbie, Racheal et Koshuma. Des modifications ont été apportées aux conversations originales pour en réduire la longueur et faciliter la lecture.
Dans le temps qu'il faudra pour lire cet article, 57 filles de moins de 18 ans ont été mariées.
Chaque année, 12 millions de filles sont mariées avant l’âge de 18 ans.