Nigéria

Au Nigeria, 30,3 % des filles se marient ou contractent une union avant l'âge de 18 ans et 12,3 % se marient avant l'âge de 15 ans.

Au Nigeria, 1,6 % des garçons se marient avant l'âge de 18 ans.

Le mariage des enfants est le plus répandu dans le nord-ouest et le nord-est du Nigeria, où 52 % et 51,1 % des femmes âgées de 20 à 24 ans ont été mariées avant leur 18e anniversaire.

L'État de Bauchi affiche le taux le plus élevé : 73,8 % des femmes âgées de 20 à 24 ans se sont mariées pour la première fois avant l'âge de 18 ans et vivent dans des unions polygynes ; 49,2 % des femmes de cet État ont des conjoints plus âgés d'au moins 10 ans.

Le mariage d'enfants est particulièrement répandu dans les ménages ruraux les plus pauvres du Nigeria et au sein du groupe ethnique Hausa.

Une étude réalisée en 2017 par la Banque mondiale et l'ICRW a estimé que la fin du mariage des enfants pourrait générer au Nigéria 7,6 milliards USD supplémentaires en termes de revenus et de productivité.

Le mariage d'enfants est motivé par l'inégalité entre les sexes et la croyance que les filles sont en quelque sorte inférieures aux garçons.

Au Nigeria, le mariage des enfants est également exacerbé par :

● La pauvreté: Les filles sont fréquemment mariées afin d'alléger le fardeau économique de leur famille. Au Nigeria, 58 % des filles issues des milieux les plus pauvres sont mariées avant l'âge de 18 ans, contre 4 % des filles issues des milieux les plus aisés.

● Le niveau d'éducation : 71 % des femmes nigérianes sans éducation formelle ont été mariées avant 18 ans, contre 13 % ayant suivi un enseignement supérieur. La poursuite des études est presque impossible pour certaines filles, qui n'ont guère d'autre choix que de dépendre de leur mari pour le reste de leur vie.

● Les liens politiques et économiques : Certaines filles sont mariées par leurs parents pour renforcer les alliances politiques et sociales avec des familles riches ou des partenaires commerciaux et pour améliorer leur statut économique.

● Des pratiques néfastes : Le mariage "prépubère" est très courant au Nigeria. Une fille est mariée pour la première fois, et l'homme est censé ne pas la toucher avant qu'elle n'atteigne la puberté. Certains hommes nigérians préféreraient épouser des enfants. Les parents marient leurs filles à un âge très précoce pour s'assurer qu'elles soient vierges et conserver ainsi l'honneur de la famille. Les filles ne sont pas acceptées comme des partenaires égales au sein des mariages, ce qui contribue à un sentiment de dévalorisation.

● La religion : La religion s'est avérée être un cadre de soutien pour les traditions culturelles persistantes qui justifient le mariage des enfants au Nigeria. Il existe des tabous religieux stricts concernant la sexualité et la pureté féminines, et les prédicateurs affirment que, selon les doctrines islamiques, la maturité des filles pour le mariage est définie par l'apparence physique et les menstruations. Certains des taux les plus élevés de mariages d'enfants se trouvent dans l'État de Kano, régi par la charia, où les mariages d'enfants sont justifiés par des motifs religieux et traditionnels, l'âge adulte étant déterminé par la puberté. De même, dans l'État d'Imo, sous juridiction chrétienne, les filles sont contraintes de se marier si elles ont un enfant hors mariage, car cela est considéré comme déshonorant par la communauté.

● COVID-19 : La pandémie de COVID-19 a eu un impact significatif sur certains des ménages les plus pauvres et a exacerbé la vulnérabilité des enfants. La pandémie a exposé les familles vulnérables à la perte de revenus financiers, les poussant encore plus loin dans la pauvreté et l'exclusion. La fermeture des écoles a mis en évidence la vulnérabilité des filles peules au Nigeria, nombre d'entre elles ayant été mariées pendant la pandémie.

Les contextes humanitaires peuvent englober un large éventail de situations avant, pendant et après les catastrophes naturelles, les conflits et les épidémies. Ils exacerbent la pauvreté, l'insécurité et le manque d'accès à des services tels que l'éducation, autant de facteurs qui favorisent le mariage des enfants. Si l'inégalité entre les sexes est une cause fondamentale du mariage d'enfants, tant dans les contextes stables que dans les situations de crise, c'est souvent en temps de crise que les familles voient dans le mariage d'enfants un moyen de faire face à des difficultés économiques accrues et de protéger les filles d'une violence accrue.

Depuis 13 ans, le conflit provoqué par Boko Haram, un groupe militant, à Borno, Adamawa et Yobe, les États BAY du nord-est du Nigéria, a conduit à l'une des crises humanitaires les plus graves au monde. En février 2023, environ 8,3 millions de personnes auront besoin d'une aide humanitaire et environ 3,6 millions de personnes seront déplacées à l'intérieur du pays. Les femmes et les jeunes filles restent les plus vulnérables, exposées aux violences sexuelles et sexistes, à la traite des êtres humains et aux rapports sexuels de survie. Le conflit, associé au changement climatique, aux fortes pluies, aux inondations, à la sécheresse et aux épidémies de choléra, a exacerbé la situation humanitaire.

Ces dernières années, le Nigeria a été en proie à une escalade de la violence qui s'est étendue à certains pays d'Afrique de l'Ouest et d'Afrique centrale. Les affrontements entre les forces gouvernementales et les groupes armés liés à ISIL et à Al-Qaïda, y compris Boko Haram (une organisation terroriste djihadiste basée dans le nord-est du Nigeria), ont compromis les systèmes d'éducation et de santé, et ont forcé des milliers de personnes à fuir leur domicile. Cette situation a entraîné une augmentation des taux d'abandon scolaire et de la violence à l'égard des femmes et des filles, y compris le mariage des enfants. On estime que 3,4 millions d' enfants ont besoin d'une aide humanitaire, qu'ils sont non accompagnés ou séparés à cause du conflit, ce qui les rend encore plus vulnérables à l'exploitation et au mariage d'enfants.

● Les conflits armés et la violence à l'égard des filles : L'instabilité et les conflits en cours continuent d'avoir un impact sur la prévalence des mariages d'enfants. L'enlèvement des 276 filles de Chibok en 2014 n'était qu'un exemple d'une tactique inquiétante utilisée par Boko Haram, où le mariage d'enfants est utilisé comme une arme de guerre. Des filles chrétiennes et musulmanes ont été enlevées et mariées par Boko Haram dans le but de démanteler les communautés et d'attirer des recrues masculines qui se voient attribuer des "épouses" si elles combattent. Certains parents ont été tués pour avoir refusé de marier leurs filles. Dans le contexte de la violence de Boko Haram, la pratique du mariage des enfants a également acquis une justification supplémentaire en tant que stratégie de protection des filles contre les enlèvements, les agressions sexuelles et les grossesses non désirées en dehors du mariage.

Le Nigeria s'est engagé à éliminer les mariages d'enfants, les mariages précoces et les mariages forcés d'ici 2030, conformément à la cible 5.3 des objectifs de développement durable.

Le gouvernement a présenté un examen national volontaire lors du forum politique de haut niveau de 2020. Ce rapport souligne le travail entrepris par le ministère fédéral de la condition féminine et du développement social (FMWASD) dans des domaines tels que la violence fondée sur le genre, la violence entre partenaires intimes et le mariage des enfants. Le FMWASD a mené des campagnes nationales pour faire respecter les dispositions constitutionnelles interdisant le mariage des enfants et s'est associé à ONU Femmes pour cibler les anciens de la communauté afin de mettre fin aux pratiques préjudiciables. Le rapport reconnaît qu' il y a eu une amélioration sur deux indicateurs : (1) la violence sexiste et (2) le mariage d'enfants avant l'âge de 15 ans.

Lors de son examen national volontaire au Forum politique de haut niveau de 2017, le gouvernement a noté que la plupart des États du nord du pays gèrent un programme de transferts monétaires visant à réduire le taux d'abandon scolaire des filles en raison des mariages précoces.

Le Nigeria n'a pas présenté d'examen national volontaire dans le cadre d'un forum politique de haut niveau depuis 2020.

Le Nigeria a coparrainé les résolutions 2018 et 2020 de l'Assemblée générale des Nations unies sur le mariage des enfants, le mariage précoce et le mariage forcé. Le Nigeria a également signé une déclaration commune lors de la session 2014 du Conseil des droits de l'homme, appelant à l'adoption d'une résolution sur le mariage des enfants.

Le Nigeria a ratifié la Convention relative aux droits de l'enfant en 1991, que le Comité des droits de l'enfant a interprétée de manière à recommander l'établissement d'un âge minimum du mariage de 18 ans, et la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes (CEDAW) en 1985, qui oblige les États à garantir le consentement libre et entier au mariage.

En 2001, le Nigeria a ratifié la Charte africaine des droits et du bien-être de l'enfant, y compris l'article 21 concernant l'interdiction du mariage des enfants. En 2004, le Nigeria a ratifié la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples sur les droits de la femme en Afrique, notamment l'article 6 qui fixe l'âge minimum du mariage à 18 ans.

En 2013, le Comité des droits de l'enfant des Nations unies s' est dit préoccupé par le taux extrêmement élevé de mariages d'enfants parmi les filles dans les États du Nord. Il a exhorté le gouvernement à entreprendre des programmes de sensibilisation sur les implications négatives du mariage d'enfants auprès des parents, des parlementaires des États et des chefs traditionnels et religieux.

En 2017, le Comité CEDAW s'est dit préoccupé par la prévalence du mariage des enfants au Nigéria. Le Comité a recommandé au Nigéria de :

● Prendre des mesures efficaces pour interdire et éliminer le mariage des enfants, notamment en menant des actions de sensibilisation et en poursuivant et punissant les auteurs et les complices ;

● Veiller à ce que la loi sur les droits de l'enfant de 2003, qui fixe l'âge légal du mariage à 18 ans pour les femmes comme pour les hommes, soit appliquée dans tout le pays ;

● Modifier les articles de la Constitution et du Code pénal qui légitiment le mariage des enfants.

Le Comité CEDAW s'est également déclaré préoccupé par le nombre important de filles enlevées par Boko Haram à Chibok et Damasak dans l'État de Borno en avril et novembre 2014, respectivement, qui n'ont pas été secourues et continuent d'être soumises au viol, à l'esclavage sexuel, au mariage forcé et à la fécondation par les insurgés.

Lors de l'examen périodique universel de 2024, le Conseil des droits de l'homme a recommandé au Nigéria de poursuivre ses efforts pour éliminer les mutilations génitales féminines, la traite des êtres humains, les violences sexuelles et sexistes et les mariages d'enfants.

Lors de son examen périodique universel de 2018, le Nigeria a accepté de revoir les recommandations visant à intensifier les actions pour mettre fin au mariage des enfants, notamment en veillant à ce que la stratégie nationale 2017-2021 pour mettre fin au mariage des enfants et la loi sur les droits de l'enfant soient pleinement mises en œuvre dans tous les États.

Lors de l'examen périodique universel de 2013, le Nigeria a soutenu les recommandations visant à lutter contre le mariage des enfants en mettant en place une législation clarifiant l'âge légal du mariage.

En 2015, les pays du Commonwealth (dont le Nigeria) ont adopté la déclaration de Kigali, qui définit un cadre d'action pour les institutions nationales des droits de l'homme en matière de mariage des enfants.

En 2016, le Nigeria a lancé la campagne de l'Union africaine pour mettre fin au mariage des enfants en Afrique.

En tant que membre de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO), le Nigéria a adopté en 2017 le Cadre stratégique pour le renforcement des systèmes nationaux de protection de l'enfance, en vertu duquel la protection des enfants contre le mariage est une priorité. En juin 2019, les chefs d'État de la CEDEAO ont approuvé la politique de l'enfant et le plan d'action stratégique de la CEDEAO, ainsi que la feuille de route 2019-2030 sur la prévention et la réponse au mariage des enfants.

En outre, en juillet 2019, les Premières Dames de la CEDEAO ont signé la "Déclaration de Niamey : Appel à mettre fin au mariage des enfants et à promouvoir l'éducation et l'autonomisation des filles", appelant les États membres à engager des réformes législatives, institutionnelles et budgétaires pour mettre en œuvre la feuille de route.

En 2019, lors du sommet de Nairobi sur la CIPD25, le Nigeria s'est engagé à réduire à zéro la violence fondée sur le genre et les pratiques néfastes à l'encontre des femmes, des filles et des jeunes et à mettre en œuvre le plan stratégique national pour mettre fin au mariage des enfants et la loi sur l'interdiction de la violence à l'encontre des personnes (VAPP) à tous les niveaux.

Le Nigeria est l'un des pays où l'initiative Spotlight (un partenariat mondial et pluriannuel entre l'Union européenne et les Nations unies) soutient les efforts visant à mettre fin à toutes les formes de violence sexuelle et sexiste et aux pratiques néfastes à l'encontre des femmes et des filles. Entre 2019 et 2020, l'Union européenne a investi 35 millions de dollars américains. Les fonds ont été répartis comme suit :

Politique: Identifier les lacunes et renforcer les cadres juridiques et politiques, tant au niveau fédéral qu'au niveau des États, en défendant et en renforçant les capacités des principales parties prenantes, telles que les parlementaires, le système judiciaire et les agences gouvernementales. L'initiative a permis de soutenir les organisations de défense des droits de l'homme dans leur travail de suivi et d'établissement de rapports sur la violence à l'égard des femmes et des filles, le VIH et les droits en matière de santé sexuelle et génésique.

Institution : La prévention et la réponse aux violences sexuelles et sexistes, aux pratiques néfastes et aux droits en matière de santé sexuelle et génésique restent faibles au niveau de la communauté, de l'État et du gouvernement fédéral. L'initiative a renforcé les capacités pour assurer la coordination entre les acteurs clés et aider les institutions à planifier, financer et mettre en œuvre des programmes fondés sur des données probantes.

Prévention : Changer les normes sociales et les comportements aux niveaux individuel, communautaire et familial en plaidant auprès des chefs religieux et politiques pour qu'ils exercent une influence positive sur la non-violence.

Données : Renforcer et moderniser la collecte, l'analyse et l'utilisation des données relatives à la violence contre les femmes, aux droits sexuels et reproductifs et aux pratiques néfastes en renforçant les capacités du bureau national des statistiques et des établissements de santé. L'initiative a utilisé les données pour éclairer les lois et les politiques.

Mouvement des femmes et société civile: Renforcer les capacités des groupes de défense des droits de la femme afin d'améliorer leur capacité d'engagement public, de mise en œuvre et de suivi des programmes de lutte contre la violence à l'égard des femmes.

Le Nigeria est l'un des pays où le plan d'urgence du président des États-Unis pour la lutte contre le sida (PEPFAR)/l'initiative DREAMS s 'efforce de réduire les taux d'infection par le VIH chez les adolescentes et les jeunes femmes.

Le Nigeria est un pays pionnier du Partenariat mondial pour mettre fin à la violence contre les enfants et un pays partenaire du Partenariat mondial pour l'éducation (GPE).

En 2022, l'assemblée de l'État de Kano a voté l'adoption d'un projet de loi sur la protection de l'enfance garantissant aux filles une protection adéquate et reconnaissant que l'âge de 18 ans est l'âge de la majorité fixé par le droit africain et international. Toutefois, le gouverneur Abdullahi Umar Ganduje n'a pas encore donné son accord.

En novembre 2020, l'assemblée législative de l'État de Katsina a adopté le projet de loi sur la protection de l'enfance, qui témoigne de l'engagement et de la volonté de mettre fin au mariage des enfants.

En 2016, le ministère de la condition féminine et du développement social a lancé une stratégie nationale pour mettre fin au mariage des enfants (2016-2021). Cette stratégie vise à réduire le mariage des enfants de 40 % d'ici 2020 et à mettre fin à cette pratique d'ici 2030. La stratégie vise notamment à modifier les normes culturelles néfastes et à soutenir les programmes communautaires qui améliorent l'accès à l'éducation des filles et offrent des opportunités économiques aux jeunes femmes. Cette stratégie a été évaluée

Toutefois, la stratégie nationale n'a pas été chiffrée ni décomposée en un plan de travail réalisable. Il semble que des progrès limités aient été réalisés depuis son lancement.

Un groupe de travail technique sur l'abolition du mariage des enfants a été créé à la fin de l'année 2015. Le groupe est composé de plus de 30 membres, dont des agences de l'ONU et des membres de Girls Not Brides, et a pour objectif de sensibiliser, d'encourager les changements de comportement et de suivre et évaluer les lois et les politiques.

Lors de la conférence sur la protection sociale des filles organisée par ActionAid Nigeria en 2016, l'émir de Kano a annoncé qu'il ferait venir des religieux islamiques renommés du monde entier pour discuter de cette question lors d'une conférence internationale.

Il existe plusieurs lois différentes relatives à l'âge minimum légal du mariage au Nigeria.

En vertu de la loi sur le mariage de 1990, l'âge minimum légal du mariage est de 21 ans pour les filles et les garçons, bien qu'ils puissent se marier avant cet âge avec le consentement écrit d'un parent ou d'un tuteur.

En vertu de la loi de 2003 sur les droits de l'enfant, l'âge minimum légal du mariage est de 18 ans. Toutefois, sur les 36 États nigérians, 12 (dont 11 sont situés dans le nord du pays) n'ont pas inclus la loi de 2003 sur les droits de l'enfant dans leur législation interne. Il s'ensuit que ces États appliquent les lois locales, dont la plupart sont des dispositions de la loi islamique, et que l'âge minimum du mariage dans certains de ces États n'est que de 12 ans.

En 2013, le gouvernement a déclaré que des efforts avaient été faits pour sensibiliser les États à la loi sur les droits de l'enfant afin d'en améliorer l'application.

Il y a également un manque d'harmonisation entre la loi de 2003 sur les droits de l'enfant, qui fixe à 18 ans l'âge minimum du mariage, et le projet de loi de 2015 sur les infractions sexuelles, qui fixe à 11 ans l'âge minimum du consentement sexuel.